Doit-on mentionner la RQTH sur son CV, doit-on parler de son handicap en entretien, à son patron ?
La réponse évidente est bien sur que non. Ah bon … En tout cas c’est ce qui est souvent dit à différents niveaux. Et je peux vous dire que c’est un débat extrêmement sensible
Je suis de l’avis contraire personnellement.
Quoi qu’il en soit il s’agit avant tout d’une décision personnelle pour la personne en situation de handicap qui répond à ne nombreuses injonctions et nombreuses questions.
Reprenons la situation depuis le début et quelques arguments :
- D’un point de vue légal, vous n’êtes pas obligé de mentionner votre handicap dans votre CV, lettre de motivation ou lors de l’entretien d’embauche, et vous ne risquez aucune sanction pour cela. Tant que vous n’avez pas besoin d’aménagements spécifiques et que votre handicap ne met pas en danger la sécurité d’autrui, la décision de le mentionner vous appartient donc.
- Je peux taire ma RQTH, à la médecine du travail, au recruteur ou à l’employeur.
Oui, c’est effectivement le droit à la vie privée et au secret médical.
Dans les arguments précédents une question est rarement posée qu’en est-il de votre propre santé physique ou mentale ?
Une RQTH relève de problématiques temporaires ou définitives de santé, donc d’une fragilité physique ou psychique ou morale. Le statut de travailleur handicapé résulte de La loi du 11 février 2005 qui fixe, pour la première fois, la définition du travailleur handicapé :
« Toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques ».
Cette même Loi du 11 février 2005, portant sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (article 114) donne la définition du handicap suivante :
Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant
Il s’agit bien pour la RQTH d’énoncer la présence du handicap dans le champs de l’environnement de travail d’une personne. D’ailleurs certaines personnes en situation de handicap n’ont pas de RQTH car les limitations ne se font pas jour dans le cadre de leur environnement de travail.
Nous trouvons souvent un autre argument qui nous est envoyé comme imparable lui aussi : c »est discriminant, discriminatoire.
Arrêtons de mentir : oui, tout le monde n’est pas « bienveillant ». Je ne suis pas responsable des pensées, discriminantes ou discriminatoires des personnes, des actes de discriminations. Malheureusement oui comme 20 autres critères contre lesquels nous luttons aujourd’hui. Il est difficile de lutter contre la bêtise.
Face à des personnes dirons nous « insensibles » au handicap que va-t-il se passer ?
Essayons de raisonner un peu au delà des ces trois injonctions légales avancées par de nombreuses personnes.
Prenons le cas d’un entretien d’embauche. Et qui se passerait idéalement, bien…
- Jusqu’au malaise provoqué par « les aveux » ou par le silence de l’évitement ou par le mensonge ? De toute façon il y a peu de chance que l’on vous dise : « nous vous avons écarté à cause de votre RQTH, de votre santé » (là ce serait discriminatoire juridiquement). Pire vous pourriez provoquer le défoulement, l’agressivité de la ou des personnes ?
Etes-vous prêt à subir cela ?
Etes vous prêt à vous confronter à des refus sans réelles explications concrètes qui vous mènerons aux doutes, à des situations d’échecs répétées, sans plus d’explications que vos ressentis éventuels ? Faut-il réellement devoir se confronter à des situations périlleuses ? Quand déjà vivre son handicap, sa situation sociale ne favorise pas particulièrement la positivité et le bien être. Ne faut-il pas se protéger, ne serait-ce que moralement (Il semble que la santé mentale est une priorité) ?
Les entretiens d’embauche sont stressants pour tout le monde, mais si vous avez un handicap, vous pouvez avoir l’impression que tout se ligue contre vous. Ne tournons pas autour du pot. Il est fort probable que votre interlocuteur vous pose la question « Avez-vous un handicap ? » Ou bien « avez-vous besoin d’aménagement », qu’il veuille vous poser des questions sur votre handicap, si celui-ci est visible. C’est naturel, nous sommes des êtres curieux. Mais comme la législation anti discrimination et l’article L122-45 du Code du travail l’interdisent, si vous n’abordez pas le sujet, vous vous retrouverez à vous regarder en chiens de faïence.
Mesurez vous bien la force morale qu’il faut avoir pour se confronter à de telles situations et en êtes vous capable ?
- Allons au delà de l’entretien d’embauche
Une visite médicale auprès de la médecine du travail dans lequel le médecin vous préconise des aménagements pour lesquels il vous propose d’en faire part à votre employeur ? Que vous allez refuser au détriment de votre santé ? Que votre employeur va découvrir par le compte rendu du Médecin si vous acceptez que le medecin informe votre employeur ?
- Passons cette étape et allons encore un peu plus loin dans le temps
L’avouer plus tard ? Quand ? Garder le poids du silence, du mensonge ? Combien de temps ?avec quelle conséquences ? Si un jour le « secret » est levée que va-t-il se passer. Peut-être rien, tant mieux. Ou alors un sentiment d’une trahison, chez vos collègues, votre employeur, donc une relation de confiance dégradée. Où nous mènera cette situation dégradée dans les relations avec vos collègues, votre employeur ? Quelle sera la réaction des personnes ?
Allons sur un autre versant quelques instants.
Rappelez vous :
- L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A mon sens il me parait important de lui donner les éléments pour qu’il puisse prendre les mesures vous concernant. Pour protéger votre santé physique ou mentale.
- Il est difficile pour tous de comprendre les impacts d’une situation de handicap quand on le la vit pas, y compris même si on a un handicap soi-même car l’handicap est toujours un cas particulier.
- Qu’il est possible que l’employeur cherche à embaucher des profils en situation de handicap dans le cadre de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH – entreprises de plus de 20 salariés). Cela vous donne donc un avantage concurrentiel sur le marché, pour le poste.
- Que en situation de handicap c’est une équipe pluridisciplinaire qui se met en œuvre autour de vous. Le médecin du travail peut faire le bilan de la situation du salarié et prescrire un ensemble d’aides et de prestations gérées par L’AGEFIPH. Une équipe spécialisée dans les aménagements de poste et les solutions d’adaptation avec tous les progrès technologiques et médicaux du moment. Autour de vous et de l’employeur. Pour assurer l’insertion et le maintien dans l’emploi. Pour des raisons d’efficacité et d’efficience il est fortement conseillé d’effectuer la demande d’intervention de cette structure le plus en amont possible, avant l’embauche ou la reprise du travail.
- Et puis, mince l’information de l’employeur quant aux conséquences du handicap permet d’installer un rapport de confiance et facilite la compréhension des aménagements nécessaires, l’anticipation et l’optimisation d’une prise, d’une continuité ou d’une reprise de poste. La confiance, le loyauté, à mes yeux indispensables dans le monde du travail.
- Optez pour l’option divulgation si vous avez besoin d’aménagements sur le lieu de travail pour l’entretien.
- Vous avez l’avantage de savoir que l’employeur s’intéresse à vous et qu’il pense que vous êtes un bon candidat pour le poste. Sinon vous ne seriez pas convoqué à entretien. Cela vous permet de parler de votre handicap sans crainte d’en faire le sujet de votre rencontre avec l’équipe. Vous vous sentirez ainsi plus détendu lors de l’entretien.
- Si vous avez un handicap invisible, cacher présente peu de risques. Quoi qu’il en soit, vous conservez l’avantage et l’employeur n’aura pas eu le temps de réfléchir aux raisons pour lesquelles vous n’êtes peut-être pas fait pour le poste. Pour l’aider à surmonter la surprise, vous devez donc être prêt à attirer son attention sur vos capacités et aptitudes. Et ce, même s’il peut être difficile de parler de votre handicap à quelqu’un que vous n’avez jamais rencontré.
- Les questions sur le handicap et particulièrement celle des adaptations peuvent vouloir dire que l’entreprise est impliquée dans une politique handicap.
- La hiérarchie et les collègues n’ont pas à être informés de cette situation, sauf si le salarié, en accord avec l’employeur, souhaite communiquer sur ce sujet (pour que son handicap soit mieux pris en compte).
- Il se peut également que vous vous soyez plus à l’aise en mentionnant votre handicap par écrit plutôt que d’en parler plus tard, lors de votre première rencontre avec l’employeur. Vous pouvez par exemple mentionner votre RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) sur votre CV. Eviter le stress du silence, de l’évitement ou des « aveux », les mauvaises rencontres ou réactions, lourds à porter et qui peuvent vous atteindre en terme de santé.
- Les entreprises ont du mal à recruter des salariés, fiables, et à les fidéliser, ce qui lève beaucoup de freins et vous êtes la solution à ses problématiques.
- Les entreprises, les citoyens sont de plus sensibilisés au handicap.
- Les JO versus handicap, dit paralympiques ont été un succès, peut-être un début de réelle prise de conscience globale et de mise en action sur le sujet.
Depuis 2018 c’est toute la vision de notre société sur handicap qui évolue, après de longs combats et de longs débats.
La Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, à travers l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), impose, à toute entreprise occupant au moins 20 salariés, d’employer, à temps plein ou à temps partiel, des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans la proportion de 6% de son effectif.
De la même manière, les employeurs sont tenus à une obligation de résultat. Force est de relever que, depuis le 1er janvier 2020, seul l’emploi direct de travailleurs handicapés permet de satisfaire cette obligation.
L’article L4121-1 du Code du travail fixe le régime générale de l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, en matière de santé, sécurité et conditions de travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur est doté d’une obligation générale de sécurité à l’égard de ses salariés handicapés. Parmi ces mesures, il y figure des actions de prévention de risques professionnels, des actions d’information et de formation ».
Principe constant, aucune personne ne peut être écartée du processus de recrutement en raison de son état de santé ou de son handicap sous peine de sanctions.
En guise l’employeur doit se doter de mesures nécessaires, à l’effet d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, la qualité de vie au travail (QVT) procède d’un outil aussi accessible qu’efficace. Sommairement, la QVT désigne les « actions d’amélioration des conditions de travail des salariés et de la performance globale des entreprises, d’autant plus quand leurs organisations se transforment ».
Voici à mon sens quelques questions qui vous aideront prendre votre décision de manière neutre sans influence extérieure :
- Votre handicap est-il visible ou invisible ?
- Quelle est la réaction de la plupart des gens lorsqu’ils apprennent votre handicap ?
- Dans quelle mesure ne vous mettez vous pas en danger vous-même, pour votre santé et aussi socialement en cachant votre handicap, votre RQTH ?
- Votre environnement doit-il réagir d’une certaine manière en cas d’incident lié à votre handicap (quels sont les gestes nécessaires ou à éviter – votre environnement a-t-il connaissance de ces gestes, sont-ils formés pour )?
- Comment appréhendez vous leurs réactions ?
- Comment allez-vous gérer les préjugés négatifs ou blessants à propos de votre handicap ?
- Quelles sont les exigences du poste ?
- Quels sont les aménagements concrets dont vous pouvez bénéficier ?
- L’employeur aura-t-il besoin de connaître votre handicap pour que vous puissiez faire de votre mieux dans le cadre de votre travail ?
- Si vous ne communiquez pas votre handicap, risquez vous de compromettre votre sécurité ou celle d’autrui ?
- Cet employeur a-t-il déjà embauché des personnes en situation de handicap ?
- A-t-il une politique à l’égard des travailleurs handicapés ?
- Les conseilleurs sont-ils les payeurs ?
- Dans quelle mesure à moyen ou long terme votre handicap peut s’amplifier par une dégradation de votre santé ?
- Comment vous, vivez vous votre handicap et comment le gérez vous dans la relation aux autres ?
Réfléchissez donc aux avantages et aux inconvénients de chacune de ces questions, ajoutez y en d’autres pour vous aider à déterminer ce qui vous convient le mieux.
La route vers une carrière réussie peut être pavée de défis, mais votre handicap ne devrait pas être l’un d’entre eux.
Peut-être puis-je me permettre quelques conseils :
- Votre handicap n’est pas votre carrière, alors n’hésitez pas à faire cette distinction.
- Les questions courantes d’entretien du type « Quels sont vos points forts ? » ou « Pourquoi devrions nous vous embaucher ? » sont une excellente entrée en matière de handicap, faites en une force. Une fois que vous l’avez mentionné, passez à autre chose, ou bien ajoutez une anecdote sur la façon dont votre handicap a été intégré dans votre vie professionnelle, sur votre capacité à gérer ce handicap, à vaincre ce défi chaque jour lorsque cela s’avère judicieux.
- Lorsque vous parlez de difficultés et de succès, expliquez que votre handicap vous a permis de vivre l’un comme l’autre.
- Ne minimisez donc pas votre handicap, parlez en comme d’un obstacle que vous surmontez chaque jour c’est là une très belle réussite non ?
- Ne parlez pas de ce qui vous met mal à l’aise. Refusez poliment, changez de sujet pour ne pas atteindre à une sphère privée que vous souhaitez préserver, ne vous emportez pas, ne judiciarisez pas vos propos.
- Il ne s’agit pas pour vous détailler vos problèmes de santé, ni de rompre le secret médical, il s’agit de donner des informations utiles pour que vous soyez retenu, pour tisser un lien de confiance, pour l’aménagement de votre futur poste.
- Préciser qu’on n’aborde pas la maladie mais uniquement les incidences sur votre activité professionnelle.
- Revenez sur vos qualités, vos expériences, montrez que vous avez une vie au-delà de votre handicap.
- Il vous est possible, permis de penser que révéler votre handicap peut améliorer vos chances d’obtenir le poste, cela peut valoir la peine de parler de certains des aspects les plus positifs. Comme le fait que le handicap soit à l’origine de nombreuses compétences dites softskills que vous avez acquises ou vous ait donné une force de caractère inégalée.
- Si vous avez déjà décidé de ne pas cacher votre handicap lors de l’entretien, votre employeur peut vous demander quels sont les aménagements nécessaires à votre situation. S’il ne le fait pas abordez le vous-même. Renseignez vous en amont donc auprès des structures d’aide pour venir avec toutes les cartes en main.
- n’oubliez pas qu’il s’agit souvent d’une expérience d’apprentissage pour les deux parties.
En conclusion
J’ai expérimenté aujourd’hui une discussion houleuse faites d’injonctions sur le sujet et cela ne sert à rien de vouloir dialoguer face aux certitudes. Nous ne changerons pas certains individus qui discriminent le handicap, souvent associés avec d’autres critères de discrimination et qui n’entendrons jamais raison.
Le handicap est déjà une situation lourde à gérer pour les personnes qui sont atteintes par ces limitations. elles doivent se protéger moralement, psychiquement et physiquement le plus possible tout ne faisant face à l’inclusion et leurs obligations de travail dictées par Loi là aussi.
Voici peut-être ce qui peut servir de base à votre propre prise de décision en tant que travailleur handicapé, qui sera peut-être lu par des employeurs et qui peut-être incitera à la réflexion, à la modération, à l’ouverture. Nous ne vaincrons les discriminations que par l’intelligence que nous avons en leur faisant face avec pragmatisme.
Comme souvent il s’agit de pouvoir dialoguer, certes autour d’un sujet lourd, mais qui a le mérite de questionner, d’amener à des questions et de trouver des solutions communes, créatives, agiles pour progresser.
Cédric DELAUMENIE
En bonus :
Voici des exemples de compétences transversales et transférables au sein de l’entreprise :
– Persévérance ;
– Capacité d’adaptation au changement ;
– Gestion du temps ;
– Capacité à gérer la pression ;
– Compétences en matière de communication ;
– Prise de conscience de la diversité, etc.
Cédric DELAUMENIE 06.61.82.42.78 – www.agilateur.fr cedric.delaumenie@agilateur.fr Whatsapp (+33 0771061400)
Accompagnement stratégique des transformations impliquant le capital humain
Consultant Partenaire BPI Group et LHH en Nouvelle-Aquitaine et Occitanie
Article : Le-figaro-cahier-partner-septembre-2021
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